La Librairie historique Fabrice Teissèdre (82, rue Bonaparte, Paris VIe) met en vente un manuscrit inédit de Mirabeau (Honoré-Gabriel Riqueti de), intitulé Du Commerce extérieur considéré dans ses moyens d’échange & dans sa balance (in-folio, 20 pp. en feuilles, boîte en chagrin marine, premier plat en plexi ; rel. moderne).
Nous reproduisons, avec son aimable autorisation, la présentation qui en est faite dans son Bulletin n° 5.
Le début du texte, réécrit en grande partie de la main de Mirabeau [les passages en gras sont de sa main], en expose clairement l’objectif : “C’est sans doute à cette grande et universelle erreur que le commerce ne peut s’établir entre deux nations, sans or ou argent pour solder leurs comptes [14 lignes et demie rayées de la plume de Mirabeau] qu’il faut attribuer toutes les idées fausses, tous les principes inintelligibles que l’on a voulu asseoir sur le grand mot de balance du commerce. Nous allons tâcher de prouver que ce mot est vraiment insignifiant, qu’on peut faire un grand commerce sans numéraire, & que celui d’échange est le plus avantageux. […] Fausse science donc […] que celle qui repose sur de tels résultats”.
La seconde partie du texte développe : “Mais comment apprécier, comment estimer l’augmentation des richesses d’une nation & de son commerce. Par sa population.” “…l’or et l’argent… ne servent à nos besoins que comme moyens d’échange ; ce sont des billets au porteur qui ayant par tout la même propriété sont négotiables (sic) par tout” (p. 14) “Lorsqu’on a réduit l’or à sa juste valeur, qu’on en connoit le véritable emploi […] on voit que le papier de crédit peut avoir la même propriété que l’or”, (p. 15)
Toute la démonstration, dont les conclusions vont être résumées en quatre points dans les 2 derniers ff., trouverait, selon Mirabeau (qui a repris de sa plume tout le passage), une application dans les relations commerciales de la France avec les États-Unis : “Mais ces considérations générales sur le commerce extérieur dans ses moyens d’échange, comme les métaux & le papier de crédit, & dans sa balance, peuvent ouvrir quelques vues nouvelles et fournir quelques applications relatives au commerce de la France & des états unis, dont on pouroit se méfier parce qu’on n’y voit point de numéraire, & qu’on redoute une foule d’inconvéniens de ce défaut de numéraire.”
Le mot de la fin est net : “en trois mots, bon sol, papier crédit, gouvernement jaloux de le maintenir, voilà les grands moyens de développement d’une nation, d’un numéraire abondant, d’un grand commerce extérieur”, avec toutefois cette nuance importante, qui sera le mot de la fin : “J’examine cette matière en politique & non en philosophe. C’est une distinction que je prie les lecteurs de ne point oublier”.
Les notes abondantes qui accompagnent le corps du texte sont particulièrement intéressantes puisqu’elles permettent de dater cet écrit de la fin de l’année 1786, ou au plus tard de 1787, en raison des citations d’ouvrages qu’elles contiennent :
1/ dans la longue note 1 (p. 4), Mirabeau tire à boulets rouges sur Necker : “Ce n’est pas le lieu de combattre ici en détail la superficielle et pitoyable théorie de M. Necker sur la balance du commerce ; mais son livre me fournit un exemple frappant de la défectuosité des calculs & de l’estimation de la balance favorable par l’affluence du numéraire, & de la quantité du numéraire par la balance”. Mirabeau réfute Necker, en faisant référence à son ouvrage célèbre De l’Administration des finances de la France, paru en 1884 (3 vol.) et cite son chapitre IX du tome 3.
2/ en page 5, dans la note autographe (a), il cite l’ouvrage de Brissot paru en 1784, Tableau de la situation actuelle des Anglais dans les Indes Orientales et de l’état de l’Inde en général, ajoutant : “au reste il s’y est glissé une erreur considérable, c’est qu’on a mis le total en livres sterling au lieu de livres tournois”. La remarque n’est pas anodine car Mirabeau était en concurrence avec Brissot pour faire publier sous son nom les pamphlets qui alimentaient les grandes polémiques financières et qui sont, pour la plupart, l’œuvre de Clavière (auteur, avec Brissot, du célèbre ouvrage De la France et des États-Unis d’Amérique, paru en 1787).
3/ en page 6, dans trois notes autographes précisant ses références, Mirabeau indique, en note (b) : “Voyez le Voyage de M. Makintosh aux Indes orientales, tom. 1er page 340, récemment publié…”, pour ajouter en note (d) : “Voyez le Voyage de M. Capper à
la suite du voyage de Mr Makintosh tom. 2e p. 454”. L’ouvrage, traduit par Brissot, avait été publié à Londres et Paris en 1786.
On sait que Mirabeau avait “mis sa plume au service de Clavière dans les grandes polémiques financières qui animèrent la place de Paris jusqu’à la Révolution […]. En échange de ses services, Mirabeau recevait du banquier de fortes sommes qui lui permirent de rembourser ses dettes et de mener grande vie” (M. Dorigny, in Soboul (dir.), Dictionnaire de la Révolution Française).
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