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Bolcheviks et Jacobins

Réédition du livre de Tamara Kondratieva


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Présentation de l’auteure

Tamara Kondratieva est professeur émérite des Universités et membre associé du Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen (cercec/ehess/cnrs). Elle est auteur de La Russie ancienne (1995), Gouverner et nourrir. Du pouvoir en Russie (XVIe-XXe siècles) (2002), et a dirigé Les Soviétiques, un pouvoir, des régimes (2011).

Présentation de l’ouvrage

Il y a trente ans, l’analogie avec la Révolution française fut à l’origine d’une philosophie soviétique de l’Histoire qui rejeta 1789 au nom de 1917 : posée en année zéro, la révolution d’Octobre ouvrit la voie au communisme en surpassant ainsi toutes les révolutions précédentes.

À l’heure du centenaire de la révolution de 1917, on reconnaît toujours officiellement en Russie que cette dernière « fut un des grands événements du XXe siècle », mais avec la renaissance des conservatismes et des nationalismes, sa grandeur est réinterprétée : « La transformation révolutionnaire aurait initié un projet global de civilisations. » Sans céder la première place à l’universalisme de la Révolution française, la primauté de la révolution russe est réaffirmée comme projet concurrentiel pour le devenir du monde.
Ce livre se propose de montrer comment la Révolution française, en tant que référence majeure des révolutionnaires russes tout au long du XIXe siècle, a pesé sur les consciences et l’action historique ; comment une prolifération d’analogies s’est emparée, après 1917, de l’imaginaire social autour de questions brûlantes : Lénine est-il un nouveau Robespierre ? Faut-il trouver en Bonaparte un modèle pour Staline ? Un Thermidor soviétique a-t-il déjà eu lieu ? Le travail mené ici rend ainsi compte des répercussions qu’a eues l’imaginaire dans la prise de deux décisions clés de l’histoire soviétique – l’instauration de la nouvelle politique économique en 1921 pensée comme une « autothermidorisation » par Lénine et son abandon en 1928 pensé par Staline comme une mesure préventive contre Thermidor.

Les pièces du dossier russe et soviétique réunies dans ce livre peuvent donc se lire aujourd’hui comme un ensemble matriciel pour des passions et débats qui rebondissent après 1991 et la chute de l’URSS.

Table des matières

Avant-propos
Introduction à la deuxième édition

Chapitre premier : Comment finir la révolution sans terreur ni retour au « despotisme » ?
Le drame de Radichtchev
La variante étatiste de Karamzine
La solution décembriste
Les réponses populistes

Chapitre 2 : Entre l’analogie et l’identification : quel révolutionnaire pour la Russie ?
Pour la Terreur ou contre Robespierre : les « jacobins » et les « girondins » russes
Les trois degrés du jacobinisme russe
Les populistes contre les « jacobins » russes

Chapitre 3 : « Bolcheviks-Jacobins » et « Mencheviks-Girondins » face à l’héritage
Nouvelles réponses et vieilles questions
Les bolcheviks indécis sur leur parenté avec les Jacobins

Chapitre 4 : L’éveil de la conscience historique (1917‑1921)
La prolifération des analogies et les savoirs sur la Révolution française
La première analogie avec Thermidor
La riposte bolchevique

Chapitre 5 : Aux origines de la deuxième analogie avec Thermidor
Nikolas Oustrialov, le « chantre de Thermidor »

Chapitre 6 : La percée de l’analogie dans la Russie soviétique
Thermidor : un problème refoulé
Thermidor : un nom à éviter
« Thermidoriens » : un reproche innommable
1925 : l’« affaire Zaloutski », ou Thermidor enfin nommé

Chapitre 7 : La NEP, un Thermidor ?
Hésitation chez les opposants : Thermidor a-t‑il eu lieu en Union soviétique ?
La majorité du parti oppose une fin de non-recevoir aux analogies

Chapitre 8 : La mise en place d’un dispositif antianalogies
L’initiative des boukhariniens
Raskolnikov et Robespierre
Le besoin de « critères scientifiques »
Les doutes des historiens

Chapitre 9 : Le dernier mot appartient aux historiens
Les historiens marxistes définissent leurs tâches
À chaque révolution sa place
Rompre avec les « jacobins » russes
La réponse à la « provocation » d’Alphonse
Aulard

Chapitre 10 : Thermidor : un recul ou un pas vers l’inconnu ?
Les mencheviks sortent de l’ambiguïté
Trotski : l’analogie au service de la pensée théorique
Oustrialov embarrassé par le « Grand Tournant »

Conclusion
Notes
Bibliographie
Index