Disparitions

Hommage à Maurice Genty

Maurice Gentil couverture

Maurice Genty : L’apprentissage de la citoyenneté. Paris 1789-1795 (Messidor, 1987)

 

Pour Maurice Genty

Par ses amis du XIIIème arrondissement, nous avons appris que Maurice Genty est décédé ce neuf avril 2020. Maurice était un de nos plus anciens sociétaires et contributeurs des AHRF. Il était, de longtemps, devenu un ami  pour beaucoup de ceux qui sont désormais eux-mêmes devenus des « anciens ». Le décès de Maurice, en plein confinement, n’est pas directement dû à la présente pandémie mais il cumulait le grand âge avec une grave maladie. Je suis loin d’être le plus qualifié pour parler de lui mais je suis un de ceux qui ont eu, dans les années 1990 et 2000, la chance de coopérer étroitement avec lui, autour des « acquis » de sa thèse monumentale sur la vie démocratique des districts et sections parisiennes dont il avait tiré le volume paru chez Messidor en 1987, L’apprentissage de la citoyenneté, Paris 1789-1795.

Maurice était un homme de fidélité et de discrétion, un historien que nous pourrions définir comme un fantassin de la recherche. De sa discrétion presque caractérielle témoignent ses notices à la BnF et dans le SUDOC, où il a pu vérifier, des années durant, qu’il y était confondu avec un homonyme de la première moitié du siècle dernier. Visiblement, ni lui ni personne n’a pris la peine de rectifier. C’est tout dire de sa propension à s’effacer. Je peux cependant rappeler ici un rôle qu’il a tenu en toute conscience, et dont j’ai un souvenir très fort. Lorsque, venus du séminaire de Michel Vovelle, nous avons en 1992, avec Bernard Gainot et quelques autres, eu l’occasion de demander à Maurice un coup de main pour mettre en place ce qui devait devenir l’atelier Voter, élire… il a immédiatement répondu présent. Reprenant le fil de débats qu’il avait eu longtemps auparavant avec Albert Soboul sur la place des mécanismes électoraux et sur l’implication démocratique de masse dans la Révolution, il s’est alors investi pleinement dans l’atelier, présent à chaque réunion ou presque, dix ans durant, avec toute la compétence qu’il avait accumulée sur les institutions électorales parisiennes et l’apprentissage de la citoyenneté. Au fil de ces années de travail, jusqu’à la première édition du Guide de recherche, Voter, élire (1999)  et même de la seconde (2006), les membres de l’atelier avaient pris l’habitude de ses brèves interventions, quasi-chuchotées, et aussi de ses duels à fleurets mouchetés avec Emile Ducoudray. Si l’un était d’une timidité presque maladive, l’autre était expansif et provocateur, mais chacun défendait âprement ses acquis érudits parisiens… Tous les membres se demandaient alors comment Maurice avait pu faire face si longtemps aux étudiants, dans sa longue carrière d’enseignant, mais chacun avait à coeur de ne  présenter devant lui  que des points bien établis. Sinon, il explosait en miniature, avec un « Pfff…! », coordonné avec un geste tournant de ses mains ouvertes vers ses oreilles, les yeux levés, signifiant avec politesse qu’il en avait par dessus la tête de ces co….ries !

D’une gentillesse profonde, d’une sensibilité à fleur de peau, Maurice était un homme de conviction. Lorsque, venus de cortèges différents, à la fin des  grandes manifestations parisiennes, Françoise et lui accueillaient mes salutations, c’était de sa part avec un mince sourire et un regard profondément bienveillant. C’était je crois sa façon de me dire qu’il savait bien, lui, là où on en était vraiment de l’oeuvre commune.

Salut et fraternité, Maurice !

Serge Aberdam