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In memoriam Claude Guillon (1952-2023)

Claude Guillon (1952-2023)

 

Si l’on en croît la dépêche AFP reprise par Le Monde et Le Figaro la place de la Révolution française n’occupait qu’une petite partie de la vie de Claude Guillon. Elle ne reflète pourtant pas l’activité intense que notre sociétaire et ancien membre du Conseil d’administration de la SER avait déployée depuis des années pour mieux faire connaître certains acteurs de la période 1789-1794. S’il était connu pour de toutes autres raisons, Claude (qui développa des positions controversées sur une série de sujets) s’était en effet pris de passion pour le groupe des « Enragés » à propos desquels il a publié une série d’ouvrages.

Après un premier essai à la veille du bicentenaire (De la révolution : 1989, l’inventaire des rêves et des larmes, A. Moreau, 1988) il publie quelques années plus tard plusieurs livres sur le groupe des Enragés, avec une attention particulière portée aux groupes féminins. On lui doit ainsi Deux Enragés de la Révolution : Leclerc de Lyon et Pauline Léon (Quimperlé, Éditions La Digitale, 1993) ou encore un utile recueil regroupant des textes des Enragés : Notre patience est à bout : 1792-1793, les écrits des Enragés (Paris, Imho, 2009 ; réédité en 2016). Très critique de l’action de Robespierre, Claude Guillon se situait dans une filiation « antirobespierriste de gauche » incarnée par l’historien trotskyste puis libertaire Daniel Guérin (1904-1988), qu’il avait côtoyé. Il réédita avec une préface signée de sa plume le principal ouvrage de Guérin (à deux reprises : Bourgeois et bras nus. La guerre sociale sous la Révolution 1793-1795 ; Paris, Les Nuits Rouges, 1998 puis Montrueil, Libertalia, 2013). Son dernier ouvrage portait la marque de cette inspiration, valorisant les groupes féminins réprimés par la Convention nationale (Robespierre, les femmes et la révolution, Paris, Ihmo, 2021). Il avait également mené avec l’auteur de ces lignes et Stéphanie Roza l’entreprise de traduction et d’édition d’un ouvrage inédit en français de l’historien est-allemand Walter Markov sur Jacques Roux, la principale figure des Enragés, grâce au soutien de la SER, du CNL et de l’Université de Leipzig (Jacques Roux, le curé rouge, Montreuil, Libertalia, 2017). Ses efforts pour achever ce projet – abandonné à plusieurs reprises à l’époque d’Albert Soboul, proche ami de Markov – furent décisifs. Claude mena à cette occasion un travail de recherches important pour l’appareil critique de l’ouvrage en recherchant sans relâches, jusqu’au moindre détail, les éléments permettant d’éclairer le travail mené sur les sources d’époque révolutionnaire par l’historien est-allemand.

Affichant sans complexe ses prises de positions libertaires, volontiers polémique dans le bon sens du terme, Claude a contribué à faire vivre la SER en siégeant de manière assidue et constructive à son conseil d’administration. Il a notamment contribué de manière décisive à lancer le site internet de la Société. Déjà gravement atteint par la maladie, il avait suivi nos travaux jusqu’au bout, se rendant à la dernière Assemblée générale de la Société.

La SER exprime à ses proches toutes ses condoléances sincères, et n’oubliera pas celui qui fut à sa manière un historien d’un groupe minoritaire, mais à l’action décisive, des années 1792-1793. Une nécrologie plus détaillée sera publiée dans les Annales Historiques de la Révolution française.

Jean-Numa Ducange