Nous, maîtres de conférences et professeurs des universités spécialistes d’histoire de la Révolution française, croyons de notre devoir d’intervenir dans le débat suscité par les ossements découverts au Mans en 2009 et leur devenir.
Exhumés au hasard de travaux urbains, ces ossements ont été identifiés comme des restes de victimes des combats des 12-13 décembre 1793, premier des deux affrontements au cours desquels l’armée « catholique et royale » fut vaincue par les troupes républicaines. Les analyses menées n’ont, pour d’évidentes raisons, pas permis de savoir combien des quelque 150 à 160 corps retrouvés étaient ceux de « rebelles », de civils ou de soldats républicains. Ces restes humains une fois étudiés, que convient-il d’en faire ? Une loi de 1920 interdit de transférer des corps inhumés une première fois ; le débat ne devrait donc pas exister. Il est pourtant bien là !
Ici le département de la Vendée propose de transférer ces restes aux Lucs, là Hervé de Charrette les voudrait à Saint-Florent-le-Vieil ; quant à l’association « Vendée militaire », elle préfèrerait les voir aux Herbiers, où serait aménagée pour l’occasion une « crypte de recueillement ». Enfin, une association nommée « les fils et filles descendant des victimes du génocide vendéen » est allée jusqu’à réclamer une identification des victimes grâce à leur ADN, enquête qui serait financée par un « fonds public d’indemnisation du génocide vendéen » ; le tout assorti d’un « office religieux catholique annuel ».
De telles propositions prêteraient presque à sourire, si elles ne s’inséraient dans une œuvre de réinterprétation de l’Histoire, au mépris des travaux de la recherche universitaire sur la Révolution. La démarche de certains élus locaux et de quelques associations « vendéennes » s’inscrit ainsi dans le droit fil des propositions de loi reconnaissant un prétendu « génocide » vendéen, dont la dernière (16 janvier 2013), notamment signée par un député Front National, a logiquement été rejetée par l’Assemblée nationale.
Collectivement, nous tenons ainsi à rappeler que les spécialistes de la période révolutionnaire ont démontré que la notion de « génocide » ne pouvait aucunement s’appliquer à la répression qui a sévi dans les zones géographiques regroupées sous l’appellation de « Vendée militaire » en 1793-1794. Ainsi, s’il est important que les enjeux politiques du moment, voire les questions d’identité, puissent se nourrir de la mémoire, cela ne peut se faire au prix d’une instrumentalisation du passé. A l’heure où notre République connaît des tensions multiples, nous dénonçons avec la plus grande fermeté cette volonté de réécriture partisane de notre Histoire commune.
Sur le même sujet, lire l’article de Paul Chopelin (dans le carrousel en une): Quel destin pour les ossements des charniers du Mans?.