Livres, revues, &c.

Pierre Serna, L’Animal en République

capture_d_e_cran_2017-02-21_a_17.04.22.png

Citation

Pierre Serna, L’Animal en République. 1789-1802 Genèse du droit des bêtes, Anacharsis, 2016, 250 p., 22 €.

Extraits

De quel droit manger les animaux ? La question précoce du végétarisme.

La Révolution désirait tout changer, de fond en comble ; rendre l’homme à la nature et la nature à l’homme en un immense geste de parthénogenèse, en un mouvement permanent de régénération totale, dans une spirale de perfectibilité infinie. Douze ans après ce postulat, amertume et désenchantement n’ont pas tout emporté, loin de là, et, dans le calme de leur chambre, certains candidats poussent la logique d’une société naturante à son extrême. Le pacte social de 1789 ne devait point seulement reposer sur les hommes entre eux, mais entre l’humain et les principes universels qui régissaient les lois de la nature. Il fallait intégrer tous les hommes dans le nouveau cercle de ces lois. Ce qui posait logiquement, et avec une acuité inédite dans l’histoire des révolutions atlantiques, la déclinaison problématique de cet homme en diverses figures, en juif, en femme, en fou, en étranger, en esclave, en enfant, en vieillard, en pauvre, en domestique, en failli. Treize ans plus tard, au terme de cette réflexion sur la marge de l’humanité, en une propédeutique allant son train, émergeant progressivement dans sa complexité, dans sa nouveauté, la question du droit de l’animal apparaissait à une petite minorité éclairée ; et donc, en bonne logique, se posa la question du droit de manger les animaux. […]

Conclusion

Que reste-t-il à faire à l’historien confronté à une petite cohorte accouchant d’une réflexion en avance d’un demi-siècle sur son temps ? Louer le singulier de cette pensée marginale et ainsi l’enfermer dans une tour d’ivoire ? Plutôt constater que sont posées, avec une acuité remarquable informant le cœur de l’actualité de ce début de XXIe siècle, les questions du végétarisme, des conditions d’abattage des animaux, de la cruauté envers les bêtes et ce qu’elle induit en retour sur la nature des hommes qui pratiquent communément ces tueries à échelle industrielle. C’est de façon surprenante et pourtant logique en regard du cheminement de la problématique du droit entre 1789 et 1802 qu’ont été évoqués l’identité et le statut des animaux, ainsi que leur traduction dans le texte de la loi. Dans quel contexte de pensée œuvraient alors ces candidats — loin d’être les plus belles plumes de la République — pour parvenir à ces fort modernes conclusions, qu’elles soient exprimées au travers d’un argumentaire chrétien ou d’un progressisme républicain ?

Il revient à la dernière décennie du XVIIe siècle, révolutionnaire, d’avoir rendu possible ce débat, d’avoir semé les germes qu’il porte en lui par la percussion de deux régimes de discours se rejoignant dans l’espace public. En renversant le vieux monde, 1789 a permis la rencontre du débat scientifique d’ancien Régime, solidement bâti autour du classement des êtres vivants dont discutent les écoles de Buffon et Linné, avec les tensions politiques issues du nouveau régime, pensées au travers des notions de liberté et d’égalité et de la recomposition des hiérarchies sociales qu’elles impliquent.

Table des matières

Introduction

Les chevaux, le cocher, la femme et le vétérinaire : un nouveau champ d’histoire de la Révolution…………………………………………………………………………………7
Première partie : L’animal des Lumières en questions……………………………………53

Chapitre 1 : Penser l’animal sensible et intelligent ……………………55
Chapitre 2 : Le fantôme de Descartes …………………………………69
Chapitre 3 : L’histoire et la géographie à la rescousse, ou l’ébauche d’une
écohistoire critique de la civilisation européenne………………………77
Chapitre 4 : La chasse, ou l’homme spoliateur…………………………89
Deuxième partie : La faute à la Révolution ? …………………………101

Chapitre 5 : Affreux sales et méchants : enfants, bouchers et révolutionnaires…103
Chapitre 6 : Une pensée catholique de l’animal…………………………………135
Troisième partie : Une morale citoyenne pour défendre les animaux……………151

Chapitre 7 : La civilisation des mœurs républicaines face à la souffrance animale …153
Chapitre 8 : De quel droit manger les animaux ? La question précoce du végétarisme…187
Chapitre 9 : Y a-t-il un républicain dans ce concours ? Salaville ou l’urgence de la protection de… l’humain………………………………………………………………………………205

Conclusion…………………………………………………………………………………221
Bibliographie………………………………………………………………………………237

Related Posts