Durant la Révolution Française, événement unique dans l’Histoire du monde, des politiciens tels que Robespierre, Saint Just ou encore Billaud-Varenne engagent leur personne mais aussi leurs idées au service de l’utopie révolutionnaire. C’est au potentiel philosophique de ce dernier personnage que va s’intéresser « Rééduquer le peuple après la Terreur ». En analysant son ouvrage phare, l’auteur expose le projet philosophico-politique de Billaud-Varenne, ses attentes et ses espoirs pour la France libérée de la Terreur.
Extrait[1]
Billaud-Varenne en tant que politicien défend une Constitution politique basée sur deux principes fondamentaux : il ne peut y avoir d’autorité au-dessus de la souveraineté du peuple et aucun individu plus puissant que la loi. Le peuple doit donc être éduquer à la démocratie, il ne doit plus être un instrument contrôlé par le souverain mais a le devoir de mettre ce souverain devant ses responsabilités envers lui. Néanmoins Billaud-Varenne rappelle qu’il ne suffit pas d’organiser des élections pour assurer que la Constitution soit respectée mais faire en sorte que la puissance accordée à l’individu élu ne s’agrandisse ni ne rétrécisse. La séparation des pouvoirs telle que pensée par Montesquieu dans De l’Esprit des lois est ici implicite mais incontournable même si Billaud ne fait pas référence au pouvoir judiciaire mais il insiste bien sur les forces qui s’exercent entre le peuple et l’organe législatif et entre ce dernier et l’organe exécutif.
Le peuple doit donc apprendre la politique et connaître son fonctionnement pour protéger la Constitution de ses détracteurs : « Ce serait un beau et imposant spectacle, que de voir le fonctionnaire public rentrant dans la foule des citoyens, comparaître devant l’assemblé du peuple et lui rendre compte de sa gestion [2]». Ici c’est d’une part la transparence vis-à-vis des citoyens qui est défendue mais aussi l’intérêt du peuple à comprendre la politique et l’économie pour savoir comment protéger sa liberté.
Billaud-Varenne veut montrer au peuple que la menace de la tyrannie et du despotisme peut prendre toutes sortes de formes sauf celle de l’homme du peuple lui-même. Il convient donc que le peuple mette tout en œuvre pour surveiller ses représentants et garder une certaine forme de contrôle sur lui. Le membre du Comité de salut public donne alors plusieurs exemples de conspirateurs : Catilina le sénateur romain qui conspira avec ses conjurés pour prendre le pouvoir, César le général qui s’empara de Rome pendant la guerre civile qui l’opposait à Pompée, Oliver Cromwell qui instaura un Protectorat tyrannique en Angleterre et enfin Robespierre, le représentant du peuple qui le maintient dans la terreur. C’est ici la première attaque tournée directement contre Robespierre et nous pouvons affirmer que la rupture est consommée. Il est d’ailleurs fort probable que le texte a été plusieurs fois modifié avant sa sortie officielle car lors de sa rédaction, Billaud-Varenne ne nourrissait pas une aussi grande animosité à l’égard de Robespierre. Ainsi, ce qui ne devait être au départ qu’un simple éloge des idéaux de la Révolution et, nous pouvons l’affirmer, une profession de foi destinée à relancer la carrière de Billaud en politique, s’est transformé en un réquisitoire contre Robespierre et ses amis. Un peu plus loin dans le texte, Billaud-Varenne montre qu’il ne suffit pas d’abattre le tyran qui a opprimé le peuple. Mettre fin à la tyrannie d’un homme est quasiment chose naturelle pour Billaud. En effet, le peuple poussé à bout finira toujours par se soulever et détruire la source de son malheur. Le problème est que l’« on renverse la statue et l’on conserve le piédestal »[3]. Il est signifié par-là que le peuple sait abattre son oppresseur mais ne peut empêcher qu’un autre prenne sa place. « On ne voit qu’un monstre à abattre, sans songer à détruire le repaire qui l’a vomi [4]», ajoute Billaud. Plus loin, Il diagnostique le problème de la mémoire humaine. L’imagination se refroidit, les mauvais penchants reviennent, le peuple oublie les maux dont il a souffert, « le présent a toujours plus d’influence que le passé [5]». Ce constat renforce l’idée qu’il est nécessaire d’éduquer le peuple à la politique et à l’Histoire pour qu’il devienne lui-même l’organe de défense de la démocratie.
[1] Extrait des pages 78, 79, 80 de Rééduquer le peuple après la Terreur, la philosophie politique et sociale de Billaud-Varenne, Thomas Primerano, éditions BOD, 2020
[2]Principes régénérateurs du systême social, Jacques Nicolas Billaud-Varenne, Imprimerie R.Vatar, pluviôse an 3, page 19
[3] Ibid. page 27
[4] Ibid. page 28
[5] Ibid. page 50